Ce lundi, Diana Nikolic, cheffe de groupe MR au parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a estimé que le CEB, le certificat d’études de base, était « trop simple ». Elle a affirmé « On constate actuellement, c’est que 90 % des élèves réussissent le CEB mais arrivés en secondaires, rapidement il y a des problèmes. Et à la fin de la deuxième secondaire, lors d’une épreuve importante, le CE1D, là on est à 50 % de réussites et donc 50 % d’échecs ». La cheffe de groupe a expliqué que le MR plaide souhaite que le niveau de réussite du CEB soit relevé à 60, 70 % : « Quand vous êtes à 51 %, vous n’êtes pas très loin de celui qui est à 49 % et qui est en échec ».

Tout d’abord, à notre connaissance, il n’existe aucune étude longitudinale assurant le suivi des élèves de la sixième primaire (passation du CEB) à la deuxième secondaire (passation du CE1D). Nous connaissons probablement toutes et tous une personne (le fils d’un ami, la fille du voisin, la cousine…) qui a éprouvé des difficultés en primaire et qui a échoué au CEB mais cela ne permet en rien de généraliser le constat. Nous n’avons pas non plus connaissance d’une étude permettant d’évaluer l’impact du redoublement en sixième primaire sur les scores observés au CE1D. Les effets délétères du redoublement sont aujourd’hui unanimement reconnus, il serait dès lors assez surprenant qu’un effet bénéfique soit observé sur les scores au CE1D pour les élèves confrontés au redoublement en sixième primaire.

Le taux de réussite d’une épreuve ne détermine en rien la qualité d’une épreuve. Pour évaluer la qualité d’une épreuve, la docimologie[1] recourt aux concepts de validité et de fidélité. La validité (de contenu) d’une épreuve vérifie que l’épreuve mesure bien ce qu’elle prétend mesurer. Quant à la fidélité, elle mesure la précision de la mesure et examine dans quelle mesure le score obtenu reflète avec précision le niveau de maitrise du sujet. Cette brève mise au point théorique permet de modifier la perspective. En effet, si l’épreuve CEB mesure bien ce qu’elle prétend mesurer (validité) et que cette mesure est précise (fidélité), le taux de réussite (ou d’échec) ne peut plus être convoqué pour argumenter qu’une épreuve est trop facile (ou trop difficile). Dans le cadre du CEB, le contenu de l’épreuve est actuellement définit dans les Socles de compétences. Dans le cadre du pacte pour un enseignement d’excellence, de nouveaux attendus ont été définis, ceux-ci sont précisés dans les nouveaux référentiels du tronc commun et entrent progressivement en vigueur. Il faudra attendre juin 2026 pour la première passation du CEB intégrant ces nouveaux attendus. En pleine réforme, plutôt que de subitement changer les règles en cours de route, laissons-nous plutôt le temps d’apprécier les effets de cette redéfinition des attendus à maitriser en fin de primaire. La proposition d’élever le seuil de réussite à 60% ou 70% entrainerait inévitablement une augmentation du redoublement et du taux de retard scolaire en fin de primaire. Si l’on considère les scores au CEB 2022 pour les élèves inscrits en sixième primaire, 85,4%[2] des élèves obtiennent plus de 50%. En considérant la distribution des résultats pour les mêmes élèves, une augmentation du seuil de réussite à 60% conduirait à environ 10% d’échecs en plus[3]. Si le seuil de réussite était porté à 70%, plus d’un tiers des élèves seraient en échec au CEB[4]. Ce taux parait difficilement justifiable quand on sait que l’objectif de l’enseignement primaire est d’assurer les apprentissages de base. On notera que l’élévation du seuil de réussite ne résoudrait en rien un constat avancé par la cheffe de groupe MR. Un score de 61% ne serait pas très éloigné d’un score de 59% qui serait un échec si le seuil de réussite était porté à 60% et un score de 71% ne serait pas non plus très éloigné d’un score de 69% qui serait un échec si le seuil de réussite était porté à 70%. Au-delà des effets néfastes mis en avant par de très nombreuses études sur les performances futures des élèves contraints au redoublement, cette augmentation du redoublement aurait des conséquences financières importantes qui ne peuvent être ignorées dans un contexte difficile pour la CFWB.

Certains plaident pour une suppression des épreuves externes, oubliant au passage que précédemment la réussite (ou l’échec) d’un élève dépendait du niveau moyen de sa classe. Un élève moyen fréquentant une classe regroupant des élèves compétents avait davantage de « chance » d’être contraint au redoublement que s’il avait fréquenté une classe regroupant des élèves plus faiblement compétents. Il leur avait été très justement répondu que ce n’est pas en cassant le thermomètre qu’on faisait baisser la fièvre. Ce n’est pas non plus en dérèglant le thermomètre (modifiant le seuil de réussite) que le patient se portera mieux. Qui plus est, n’oublions pas que notre système éducatif a tendance à transformer les inégalités sociales en inégalités de résultats. Tous les élèves n’entament pas leur parcours scolaire avec la même chance de réussite. Malgré les difficultés rencontrées, au prix d’efforts considérables, certains élèves parviennent à obtenir leur certificat d’études de base. Parfois brillamment, parfois en étant juste au-dessus des 50%. Pour ces derniers, relever le seuil de réussite serait probablement vécu comme  une profonde injustice et risquerait de les décourager.

Pour conclure, rappelons que la réussite du CEB ne doit pas être la finalité de l’école primaire. La scolarisation de nombreux élèves de sixième primaire se résume déjà trop souvent à un entrainement soutenu au CEB en proposant aux élèves les épreuves des années précédentes. On ne va pas à l’école pour réussir son CEB mais pour apprendre (des savoirs, des savoir-faire, des savoir-être…) et pour devenir un citoyen responsable, capable de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste, respectueuse de l’environnement et ouverte aux autres cultures. L’école doit promouvoir la confiance en soi et non la peur de l’échec, elle doit ouvrir des portes plutôt que d’en fermer.


[1] La docimologie est la science de l’évaluation.

[2] Ce chiffre est issu des données publiées sur le site enseignement.be et ne concerne que les élèves inscrits en sixième primaire. Il est inférieur à celui (90%) annoncé par Diana Nikolic.

[3] 8% des élèves obtiennent un score entre 50% et 59% au CEB Français, 12% en mathématiques et 10% en Eveil.

[4] 18% des élèves obtiennent un score entre 60% et 69% au CEB Français, 17% en mathématiques et 18% en Eveil.